La force qui est en chacun de nous est notre plus grand médecin.

L'HABITUDE

L'habitude est une étrangère

Qui supplante en nous la raison :

C'est une ancienne ménagère

Qui s'installe dans la maison.

Elle est disrète, humble, fidèle,

Familière avec tous les coins;

On ne s'occupe jamais d'elle,

Car elle a d'invisible soins :

Elle conduit les pieds de l'homme,

Sait le chemin qu'il eût choisi,

Connaît son but sans qu'il le nomme,

Et lui dit tout bas : "Par ici".

Travaillant pour nous en silence,

D'un geste sûr, toujours pareil,

Elle a l'oeil de la vigilance

Les lèvres douces du sommeil.

Mais imprudent qui s'abandonne

A son joug une fois porté !

Cette vieille monotone

Endort la jeune liberté;

Et tous ceux que sa force obscure

A gagnés insensiblement

Sont des hommes par la figure,

Des choses par le mouvements.

Voilà, j'ai dépassé l'étrange quarantaine.

Jusqu'à trente ans l'homme est une fraîche fontaine

Ensuite un vase dur et qui s'emplit de nuit,

Je ne connaissais pas la tristesse et l'ennui ...

J'ai vu l'homme adorer la stupide machine,

J'ai fumé l'opium des pavots de la Chine,

J'ai découvert , hélas, que la terre et le ciel

Le boa vénéneux , l'abeille ivre de miel,

L'été, l'hiver, l'amour , la nature ennemie

Ne sont qu'un petit peu d'une froide chimie

Parcelles d'un bolide en un autre univers

Qui lui-même est pareil et qui grouille de vers,

De poux, tous convaincus d'être marqué d'un signe.

Pauvre homme chaque point est un point à la ligne,

Tout diamant conserve une âme de charbon.

Sache que tu n'es rien ... essaye d'être bon,

Tâche de vivre en paix, avec les autres hommes.

C'est le tiroir secret de l'énigme où nous sommes,

Tu peux l'approfondir, tu peux tourner autour,

Rien ne sortira de l'ombre que l'amour.

" Si vous n'avez pas l'as de coeur, vous êtes perdu !"

Extrait du spectacle: COCTEAU MARAIS d'après l'oeuvre de Jean Cocteau.

Adieu ! je crois qu'en cette vie

Je ne te reverrai jamais.

Dieu passe, il t'appelle et m'oublie ;

En te perdant je sens que je t'aimais.

Pas de pleurs, pas de plainte vaine,

Je sais respecter l'avenir.

Vienne la voile qui t'emmène

En souriant je la verrai partir.

Tu t'en vas pleine d'espérance,

Avec orgueil tu reviendras ;

Mais ceux qui vont souffrir de ton absence,

Tu ne les reconnaîtras pas.

Adieu ! tu vas faire un beau rêve

Et t'enivrer d'un plaisir dangereux ;

Sur ton chemin l'étoile qui se lève

Longtemps encore éblouira tes yeux.

Un jour tu sentiras peut-être

Le prix d'un coeur qui nous comprend,

Le bien qu'on trouve à le connaître,

Et ce qu'on souffre en le perdant.

Alfred de MUSSET